#Point de vue#
Regard sur les photos
Cette série de 40 photos en noir et blanc a été réalisée dans les années 1980 par le photographe Eduardo Perez dans des villages reculés de l'extrême nord du Portugal, semblables à bien des égards aux villages bretons d'autrefois. C'est une collection d'images marquantes, plus belles les unes que les autres, qui nous ramène à un passé encore récent mais néanmoins déjà disparu. Chacune des photos peut prendre des couleurs d'exotisme aux yeux des visiteurs les plus jeunes ou se charger du sépia de la nostalgie pour d'autres plus âgés.
La collection met en scène un paysage rural de maisons de granit austères et surannées, de balustrades de bois frustes et fragiles, de portes et fenêtres surprenamment habitées, encadrements propices aux clichés de visages empreints de curiosité ou du poids de la vie passée. Il y a aussi les ruelles explorées par des poules vagabondes et des villageois qui regardent le temps passer, bavardent, conduisent d'antiques chars à bœufs ou sacrifient le cochon qui les alimentera tout au long de l'année. Il y a surtout beaucoup de portraits percutants de petits, d'adolescents ou de personnes âgées. Des postures également, que l'œil du photographe a su saisir dans leur singularité. Et la lumière magnifique qu'il a su capturer pour sublimer un moment unique et produire un instantané inoubliable.
C'est une vie âpre et frugale qui se manifeste ici au regard des visiteurs. La mélancolie bucolique et la rudesse du vécu, qui s'affiche sur les visages des aînés, y contraste avec la fraîcheur enjouée des enfants, encore présents à cette époque à tous les coins de rue.
Du passé au présent
Face à ces clichés, il ne faudrait pas oublier de souligner le moment d'histoire qu'ils nous racontent : le temps où la vie dans ces campagnes lointaines était marquée par la pauvreté et la dureté et où les villages commençaient à se vider. Encore habités par des personnes âgées et de nombreux enfants, dernières marques d'un taux de natalité élevé, mais désertés par les adultes en âge de travailler, partis à l'étranger chercher de meilleures conditions de vie ou ayant fui le pays pour échapper à une guerre coloniale que le régime autoritaire a imposé jusqu'en 1974.
Aujourd'hui, les villages continuent d'exister mais ils ont perdu l'essentiel de leur population. Ceux qui sont restés ont généralement délaissé les anciens lieux de vie pour habiter des logements plus conformes à nos exigences modernes de confort. La dureté et le pittoresque du passé ont souvent fait place à un pragmatisme compréhensible mais malheureusement peu soucieux d'esthétique ou de respect de la nature environnante. Néanmoins, les traces du passé perdurent. On peut donc encore visiter avec bonheur ce qu'il en reste dans une région merveilleusement belle et restée quelque peu sauvage.
Merci à Eduardo Perez d'avoir fixé pour toujours ces beaux moments qui n'auraient pu survivre que dans quelques mémoires.
Manuel de Lima
Président d'INTER+VALUE
